bréchuedent
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« le: Novembre 11, 2008, 12:15:38 » |
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L’armée Perse franchissait les Thermopyles. Les têtes des guerriers Grecs, fichées sur leurs propres piques plantées tout le long du défilé, faisaient une haie d’horreur à leurs vainqueurs. Les soldats Perses avaient reçu l’ordre, sous peine de mort, de ne point baisser la tête, mais beaucoup regardaient fixement devant eux, n’osant braver le regard des morts. Les corps des spartiates gisaient sur le sol, abandonnés aux charognards. Privée de sépulture, leur âme immortelle était condamnée à errer éternellement dans les limbes, mais cet ultime sacrifice, tous y avaient également consenti. Léonidas leur avaient promis la gloire, et tous savaient qu’ils ne mouraient pas vraiment tant que leurs noms ne seraient pas oubliés, et comment auraient-ils pu l’être après ce qu’ils avaient accompli et enduré sous les ordres de leur roi ?
Les années passèrent, les âmes des guerriers hantaient le défilé, et leurs hurlements glaçaient d’effroi les plus courageux. Les Grecs avaient gagné la guerre, mais la gloire en revenait à cet Athénien qui avait préféré abandonner sa ville au pillage. On avait posé une stèle dans le défilé. « Passant va dire à Sparte que nous sommes morts ici pour honorer ses lois », mais aucun nom…à part celui de Léonidas. Les petits-fils et leurs fils après eux et les fils de leurs fils oublièrent les noms de leurs glorieux ancêtres. On connaissait « les 300 », mais aucun nom. Les glorieux spartiates étaient anonymes, leurs descendants les avaient laissés mourir définitivement. Seul survécu le souvenir de Léonidas, et son âme rongée de remords et de colère !
D’autres années passèrent, les hurlements cessèrent, seule l’âme de Léonidas, hantait le défilé, sans espoir, abandonnée de tous, même de ses fidèles guerriers. Les voyageurs qui passaient par le défilé ne s’arrêtaient même plus devant la stèle, et aucun n’allait à Sparte, désormais en ruine, pour y clamer la gloire de ses fils. Léonidas pleurait, lui et ses hommes étaient morts en vain. On ne parlait plus de leurs exploits que dans des livres que personne ne lisait, parce qu’ils étaient écrits dans une langue oubliée. Même leur langue était oubliée, quelle dérision !
Léonidas vit un jour s’approcher de lui un être vêtu de haillons, une forme allongée, vaguement humaine, la tête recouverte d’un drap qui ne laissait rien paraître de son visage, en avait-il seulement un ?, Deux bras décharnés sortaient des guenilles, tenant un bâton encore plus grand que lui. « Tout homme est responsable de ce qu’il crée Léonidas ! » Nullement effrayé de cette apparition, le Lacédémonien lui fit face, étonné. « Certes, et qu’ai-je créé qui me vaille ta visite ? » Le visiteur ne releva même pas la question. « Connais-tu les Enfers roi de Sparte ? » « Ce que je vois, entends, et vis depuis toutes ces années est mon enfer, qu’y aurait-il d’aussi douloureux ailleurs ? Et tu n’as pas répondu à ma question, qu’ai-je créé qui me vaille ta visite ? » L’Ombre changea son appui sur son bâton. « J’en viens des Enfers, et une créature y a fait son apparition depuis quelque temps. Une créature immense faite de chair, de membres, de haine et de douleur. Nous les appelons « Démons de chair ». Les maîtres des enfers domptent les plus petites pour en faire leurs serviteurs, mais celle-là est indomptable, trop haineuse, trop écorchée, grosse comme trois cents hommes !
L’Ombre ne devait pas en dire d’avantage, Léonidas avait compris. Il ramassa ses armes, accompagna le passeur jusqu’aux portes des Enfers, traversa le Styx, et s’enfonça dans les plaines de lave et de cendre. Il devait sauver ses hommes. Il devait retrouver la créature et la tuer pour que les âmes des trois cents retrouvent enfin la paix.
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