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bréchuedent
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« le: Décembre 20, 2007, 20:33:09 »

La découverte des Enfers avait attiré à Nouvelle Jérusalem toutes sortes d’aventuriers.
Certains cherchaient la fortune, d’autres étaient attirés par la curiosité d’autres encore cherchaient des réponses à leurs questions métaphysiques. Les uns cherchaient la gloire, les autres l’oubli des hommes. Certains, enfin, étaient venu chercher ce qu’ils ne trouvaient pas sur terre !

Les deux jeunes spadassins se frayaient un chemin dans la foule des faubourgs. Des cris et un bruit étranges attirèrent leur attention. Le corps d’un très gros homme venait de choir dans la boue de la rue. On avait dû le jeter par la fenêtre, laquelle avait d’ailleurs dû être élargie, parce que le corps ne passait visiblement pas par les étroits escaliers de la demeure.
Le cadavre de l’homme gisait dans la fange, déjà nu, délesté de ses derniers biens terrestres par les pauvres du quartier.
« Triste fin » dit l’un des deux escrimeurs. « Triste vie dit l’autre. Celui qui met son corps dans cet état n’a pas de respect pour lui-même. Regardes, depuis ce matin je n’ai mangé qu’un grain de raisin, un demi macaron et bu un verre d’eau claire, je ne m’en porte pas plus mal !Et puis quand l’adversaire estoque, il faut parfois savoir rentrer le ventre, je doute que ce drôle y parvienne. Viens, nous avons assez perdu de temps, elle nous attend à l’auberge du « Damné Repentant », c’est à deux rues d’ici.

La tzigane était là, appuyée à une embrasure de porte, sa jupe fendue découvrant volontairement une cuisse ferme et douce, son corset délassé laissant deviner deux seins à faire des damnés !
« C’est toi qui nous a donné rendez-vous ? » Demanda le jeune bretteur ?
« Non, c’est ma tante, elle vous attend à l’intérieur, entrez »

La maisonnette de planches et de boue séchée qui jouxtait l’auberge du « Damné Repentant » pouvait, dans cette partie de la ville, être qualifiée de luxueuse. Passé une première pièce meublée d’un seul lit, où visiblement la demoiselle exerçait le plus vieux métier du monde, on entrait dans une cuisine où fumait une cheminée. Là, assise derrière une table, la vieille attendait.

« C’est toi qui peux conjurer les damnés ? » Demanda le jeune homme sur un ton impatient.
« Je peux effectivement conjurer, pour une durée limitée, n’importe quel damné se trouvant en Enfer. Pour autant que je connaisse son nom, le lieu et la date de sa mort !. Mais, ce n’est pas gratuit »

Le jeune homme prit une bourse et la lança sur la table « Cela sera-t-il suffisant ? »
La vieille soupesa la bourse et acquiesça « Et qui veux-tu rencontrer ? »
Le jeune homme tendit une liste. La vieille fronça les sourcils : « Que leur veux-tu ? »
« Les défier »
« Attention, ce n’est pas sans danger, certains ont acquis des pouvoirs en enfer. Il est probable qu’ils seront plus forts que sur terre »
« À la bonne heure, cela me convient »
« Es-tu prêt à en subir toutes les conséquences ? »
« Sans hésitation, il n’est sur terre plus aucun bretteur qui me vaille, si je veux encore progresser, il me faut trouver des adversaires en Enfer ! »
« Bien, attends à l’auberge quelques heures, il me faut du temps pour préparer le rituel ! »

Les deux jeunes gens patientaient dans l’auberge un verre de clairet à la main, l’un inquiet, l’autre trépignant à l’idée du duel tant attendu.
« Mais bon sang, dis-moi où te mènera la façon dont tu vis ? »
Le jeune homme prend une inspiration, lève les yeux au ciel, comme s’il cherchait ses mots : « J’errais dans un méandre, j’avais trop de partis à prendre, j’ai pris le plus simple et de beaucoup, celui d’être admirable en tout et pour tout. Et pour commencer, il me faut savoir proprement rosser tout qui viendrait me provoquer. Si je ne veux pas de protecteur, il me faut une protectrice » (Il met la main sur sa rapière).

La tzigane entra dans l’auberge et se dirigea vers les deux compagnons.« Suivez-moi ».
Le trio s’enfonça dans le dédale de ruelles. On avait l’impression qu’un cancer urbain avait envahi ce quartier. Par endroits, on ne savait dire si c’était les maisons qui débordaient sur la rue étroite ou si c’était la rue qui avait envahi les maisons. Parfois on traversait une pièce occupée, dont les habitants semblaient indifférents aux passants. Quand on ne savait plus progresser, on empruntait les escaliers et les caves ou, par échelle interposée, on accédait aux balcons. Ceux-ci semblaient mener leur propre chemin indépendamment des rues et des bâtiments. De passage dérobé en couloir secret, de ruelle en impasses, de caves en souterrains, les deux spadassins eurent l’impression que ce quartier était beaucoup plus grand qu’il n’y paraissait au premier abord. Ils commençaient à se demander si la gitane n’était pas en train de les égarer quand ils arrivèrent dans une cour intérieure, étrangement vaste, déserte et éclairée de quelques torches.

Au centre de la cour se trouvait la vieille, face à elle trois pentacles étaient dessinés sur le sol.
Sans dire un mot, elle commença l’invocation, faisant apparaître un lémure, elle lui ordonna de pénétrer dans le premier pentacle. Aussitôt qu’il y fut, il disparut dans une grande lumière bleue, laissant à sa place un homme portant un habit riche, mais quelque peu démodé.
De suite elle en invoqua un autre qui prit place, avec le même effet, dans le second pentacle. Puis un troisième qui eut le même destin.
La vieille semblait épuisée, elle se retourna vers le jeune  escrimeur.
« Je te présente messire François de Montmorency-Bouteville, Guy Chabot, seigneur de Jarnac et Maître Joachim Meyer »

Le jeune spadassin salua les damnés
Ceux-ci ne répondirent pas à son salut, mais François de Montmorency-Bouteville pris la parole d’un ton sec. : « Que nous vaut cette convocation toute gasconne ?»
Sans se démonter, le jeune spadassin esquissa un nouveau salut « C’est un défi Monseigneur »
Guy Chabot en fut tout surpris « Comme ça sans aucune forme ?»
Le jeune homme « Veuillez m’excuser si je n’ai pas de gant à vous lancer, il m’en restait un d’une très vieille paire, je l’ai laissé dans la figure d’un importun ».
« Et quelle querelle avons-nous avec vous ? » demanda Joachin Meyer.
« Aucune, simplement, je n’ai plus, depuis longtemps, d’adversaires à ma taille sur terre, alors il me faut les trouver en Enfers. Ce défi est un compliment Monseigneur, je n’ai choisi que les meilleurs »

François de Montmorency sortit de son pentacle, « Hors ça, freluquet, j’aurais défié Richelieu lui-même pour me faire provoquer par un jeune homme sans barbe, qui sort sans rubans, sans bouffettes et sans ganses ». Il dégaine sa rapière et salue.
Le jeune homme s’avance l’épée à la main « Monsieur, c’est moralement que j’ai mes élégances » et se met en garde.

Le duel est intense, le damné croyait au début en finir vite, mais le jeune homme ferraille bien. Toutes les attaques sont parées, et plus souvent qu’à son tour le jeune bretteur met son adversaire en difficulté. Passe d’arme après passe d’arme, le jeune homme prend l’ascendant, il nargue même son adversaire en annonçant ses coups « Je quarte du pied, j’escarmouche, j’ouvre la ligne, je la bouche. »
Finalement, le jeune homme désarme le damné et pose la pointe de sa lame sur sa gorge, sans toutefois finir son geste. François de Montmorency se fige. « Vous avez gagné Monsieur ! ».
Le jeune homme se recule et salue. « Je vous remercie Monseigneur, le duel a été fort plaisant et très instructif, restez donc, j’espère que les duels à venir vous plairont autant qu’à moi. »

C’est au tour du seigneur de Jarnac de s’avancer. Le duel commence dès les saluts échangés. Et d’emblée, la lame du Guy Chabot cherche le jarret du jeune homme, mais est aussitôt déviée. « Tac, je pare la pointe dont vous espériez me faire don ! Monseigneur, votre botte est aussi célèbre que vous, et même si je m’y attendais, elle a failli me surprendre »
Le combat continue, d’assaut en parade, de prime et septime et de taille en estoc, le jeune bretteur prend la mesure de son aîné, et Guy Chabot, seigneur de Jarnac doit reconnaître sa défaite.

« Maître Meyer, c’est à vous »
Le vieil escrimeur se met en garde, sur les premiers assauts, il se contente de parer les coups du jeune audacieux, puis soudain pose sa lame sur son avant-bras gauche, comme un violoniste pose l’archet sur son violon, laissant ainsi une ouverture sur sa gauche où se précipite la lame du jeune homme. Mais aussitôt le coup lancé, le vieux maître chasse la lame de son adversaire et lui agrippe le bras. Le temps de réaliser ce qui lui arrive, le jeune bretteur reçoit un coup de pommeau qui le fait vaciller, puis il est soulevé dans les airs par son adversaire et retombe lourdement sur le sol.
Le damné, malgré son âge, maîtrise son opposant, il parvient même à libérer une main avec laquelle il saisit le jeune homme par le nez. Il s’adresse à sa victime impuissante :

« Ha Ha, Monsieur l’orgueilleux, vous vouliez une leçon d’escrime ! Et bien apprenez ceci de la part d’un vieil escrimisseur : la première qualité d’un combattant est l’humilité !. Je vais faire de la place dans votre tête pour que cette leçon puisse y rentrer »
Il tire sur le nez du jeune homme qui hurle de douleur, le nez au lieu de s’arracher sous la puissante traction s’allonge, comme si la chair lui sortait du visage. Le jeune homme a beau crier, se débattre, il est immobilisé par la poigne puissante du vieil homme.
Quand le maître a fini, le visage tuméfié du jeune homme laisse apparaître un nez immense, le défigurant à tout jamais.

« Puisque vous avez épargné mes amis, je vous épargne aussi, retournez sur terre, et laissez les damnés en paix, vous nous rejoindrez toujours bien assez tôt.
A dans vingt ans, Monsieur de Bergerac »

Quelques explications:

Bonjours,
J'espère que cette nouvelle vous a plu !
Les lecteurs attentifs auront reconnu dans cette nouvelle, quelques extraits de la pièce « Cyrano de Bergerac » ; L’objectif n’était pas de plagier Edmond Rostand, mais de vous laisser des indices pour que vous découvriez avant la fin l’identité du héros de l’aventure.
Cyrano est un de mes héros préférés, j’ai vu la pièce au moins trois fois dans autant d’adaptations différentes, sans compter les films dont celui de Jean-Paul Rappeneau.
Vraiment j’ai beaucoup d’empathie avec ce personnage, et c’est avec beaucoup de plaisir que je l’ai intégré à cette nouvelle. Pour la petite histoire, l’action principale de la pièce se déroule en 1640, et le dernier acte où Cyrano meurt prend place en 1655, il m’était donc difficile de présenter Cyrano comme un damné.
Au moins, maintenant, on sait pourquoi il a un nez fort…grand !  Clin d'oeil

Les autres personnages ont réellement existé, voici quelques informations à leur sujet, trouvées sur wikipédia.

François de Montmorency-Bouteville
François de Montmorency-Bouteville (né en 1600 et décapité à Paris le 21 juin 1627). était le fils de Louis de Montmorency-Bouteville, vice-amiral de France sous Henri IV. Il est surtout célèbre pour ses nombreux duels. Après avoir tué en duel le marquis des Portes en 1625, le comte Jacques de Thorigny le 25 mars 1626, et avoir blessé le baron de la Frette en 1627, il s’enfuit à Bruxelles pour échapper à la colère de Louis XIII. Malgré l’intercession de plusieurs personnes, dont l’archiduchesse gouvernante des Pays-Bas, Louis XIII ne voulut pas lui pardonner. Furieux, François de Montmorency-Bouteville jura d’aller se battre en plein jour en plein Paris alors que Richelieu avait pris un édit, le 2 juin 1626, interdisant le duel sous peine de mort. C’est ce qu’il fit le 12 mai 1627, en se battant en duel avec François d’Harcourt, marquis de Beuvron, place Royale à Paris. Leurs quatre seconds se battirent également comme eux, à l’épée et au poignard. Arrêté pendant sa fuite, il fut décapité sur ordre de Richelieu le 21 juin 1627 malgré les demandes de grâce de la noblesse. Son adversaire, d’Harcourt, put se réfugier en Angleterre.

Guy Chabot, seigneur de Jarnac
Guy Chabot, seigneur de Jarnac, donna son nom à une attaque portée au niveau du jarret. Il la plaça lors du duel l'opposant le 10 juillet 1547 à François de Vivonne, seigneur de La Châtaigneraie. Ce dernier pourtant ami du sire de Jarnac avait tenu à son sujet des propos diffamatoires. Comme l’entretien entre les deux hommes avait été privé, seul un duel judiciaire pouvait permettre de désigner le bon droit. Le duel d’abord interdit par François premier, fut autorisé par Henri II. L'expression "coup de Jarnac" est associée à un coup porté en traître, une action déloyale. Le véritable sens fut en réalité détourné, le "coup de Jarnac" désignant, dans son acception d'origine, un coup habile et fort loyal.


Joachim Meyer
Joachim Meyer est un maître d’escrime ayant enseigné à Strasbourg à la fin du XVIème siècle. Il est l’auteur d’un traité d’escrime appelé « L’Art du combat » paru vers 1570. Cet ouvrage aborde le maniement de toutes les armes connues à son époque :Epée longue, épée courte et dague, Dusack, (Un genre de machette) bâton, armes d’hast, fléau et lutte à main nue, ainsi qu’une section sur le combat à la dague et à la rapière (qui sont des armes relativement nouvelles pour son époque). Cet ouvrage, comme c’est souvent le cas a été retranscrit par d’autres maîtres plus tard.

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"J'adore quand un plan se déroule sans accrocs"
MAJ 1635 : Démons 456/469 (97%) ; Mercos 547/605 (90 %) ;  Sarasins 323/363 (89 %) ; Occidentaux 404/430 (94 %) ; Egarés 333/357 (93 %) lémures 10/10...et vivement les Immortels
Gus
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Messages: 9


Courriel
« Répondre #1 le: Décembre 28, 2007, 10:35:01 »

Félicitation, c'est vraiment énorme.J'adore tout simplement!Tu arrive parfaitement bien a insérer les duels dans ton récit, on a de très belles descriptions.C'est impressionnant, tu es très talentueux, j'éspère avoir d'autres nouvelles a lire très prochainement!
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KassKrâne
Lémure
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Messages: 8



« Répondre #2 le: Mars 01, 2008, 20:57:27 »

J'ai vraiment bien accroché à ta nouvelle.
Felicitations !!!! Clin d'oeil
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VinZ
Grand Démon
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Messages: 696



Courriel
« Répondre #3 le: Mars 01, 2008, 21:58:57 »

COmme d'habitude c'est tres interessant et prenant, tres bien écrit et fort bien renseigné, a mon humble avis du même niveau que les meilleurs textes du livre de regle, félicitations Sourire
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